Jean-Pierre Van Tieghem

Publié le par Wout Hoeboer

Interview de Wout Hoeboer par Jean-Pierre Van Tieghem, le 25 août 1981, dans son atelier aux Ateliers Mommen (37 rue de la Charité, 1210 Bruxelles). Il s’agit de deux bandes BASF enregistrées en Nagra, vitesse 19.


Partie n°1


JPVT- Wout Hoeboer, l’année 1981 est une année tout à fait passionnante, tout à fait extraordinaire. Il y a pour l’instant au musée d’Ypres une grande exposition « L’Art comme question, l’Art en question », autre titre « De Dada jusqu’à aujourd’hui », une exposition dans laquelle vous êtes un des rares artistes à avoir une salle complète, dans laquelle vous montrez des œuvres récentes et moins récentes qui sont tout à fait passionnantes. Très prochainement, vous aurez également une exposition à Milan à la galerie Zarathoustra et puis après, d’autres projets sont en cours. Dans le catalogue de l’exposition d’Ypres, les organisateurs dont le conservateur Willy Van den Bussche a demandé à chaque artiste d’envoyer un petit texte. Vous avez envoyé un texte qui a été reproduit en photographie.


WH - Oui, oui.


JPVT- Le texte manuscrit. Et ce texte est superbe parce qu’il est un hommage à Dada.


WH – Oui, oui.


JPVT- Il est le seul texte que je connaisse actuellement et qui montre que Dada, c’est la vie, c’est la créativité, c’est quelque chose de très contemporain.


WH- Oui, c’est vrai.


JPVT- Pour vous-même, Wout Hoeboer, que représente Dada ?


WH – Ooh ! Dada, pour moi, c’est quelque chose de formidable. J’ai toujours fort aimé Dada. Même dans mon jeune temps, quand j’ai fait des études à l’Académie de Rotterdam aux Pays-Bas. Il y avait plusieurs professeurs, qui étaient naturellement beaucoup plus âgés que moi, qui organisaient chaque année des expositions de Dada à Rotterdam. Ils ont fait des panneaux splendides avec des tubes électriques avec un petit bouton et une petite ampoule qui donne de lumière. C’était quelque chose et j’ai discuté avec eux. J’ai été dans le Bauhaus à Weimar en Allemagne. Je sais vous en citer plusieurs noms. Il y avait Kiljan qui a fait des études de cinématographie splendides, formidables. Schuitema dans la publicité tout à fait novateur. Piet Zwart, c’était aussi un être humain splendide. Maintenant, naturellement, ce sont des gens très très très très âgés. Mais écoute, durant ma jeunesse, j’ai toujours travaillé. Et même déjà très jeune, j’ai toujours fait des collages avec des papiers d’emballages et même en atelier ou dans le grenier où j’ai habité. Je découpais des morceaux de tapis peint comme souvenir, comme quelque chose qui reste pour moi. Même après, le propriétaire a naturellement rouspété. Je me suis excusé : « Sorry, j’ai fait des trous dans le mur dans le papier peint » . Mais c’est bien, moi, j’ai toujours travaillé. Même des reliefs en bois sur des vieilles portes, ah, c’était bien, c’était bien.


JPVT-Vous dites, Wout Hoeboer, que vous avez toujours travaillé et c’est vrai lorsqu’on lit les textes qui racontent votre vie. Il faut rappeler effectivement que vous êtes né à Rotterdam en 1910.


WH – Oui.


JPVT – Et en fait très rapidement même en tant qu’enfant, vous avez été intéressé par l’imagination, par les matériaux, par toutes sortes de chose, quel était ce milieu dans lequel vous viviez ?


WH- Je vais essayer de vous expliquer. Mon père, c’était un tailleur. Naturellement, vous savez bien, un tailleur, dans le temps, un cordonnier et un coiffeur ne travaillaient jamais le lundi. Pour le tailleur, le lundi, c’était un jour de congé, de sortie. Mon père avait le même défaut que moi mais peut-être que c’est une qualité, il aimait boire son verre de genièvres dans un café spécial et il s’y faisait des amis. Souvent un ami de mon père venait chez nous. C’était un petit monsieur très gentil, un marchand, et il disait à mon père : « Bart, tu a vu les photos de Picasso? Regarde dans la revue ! Mais ce type doit être vraiment, vraiment fou, dingue ou quoi! ». Bon, j’étais très jeune et assez petit à l’époque. Et le lendemain, j’ai dit à mon père : « Papa, ce n’est pas possible. Ce Monsieur est fou. Pourquoi ? C’est quand même un homme d’un certain âge, tu ne crois pas qu’on devrait plutôt aimer les choses. Et ces choses, pour moi, c’était incroyable, d’accord, mais je ne comprends pas encore bien mais peut-être  que ça viendra ».

Et mon père, c’était un peintre de dimanche. Le lundi, il faisait des esquisses avec son petit chevalet de campagne. Mon père avait un atelier en haut de notre grande maison à Rotterdam. Il avait une petite boîte avec des tubes de couleur et des pinceaux. La boîte est encore ici, je vous la montrerai. Je lui volais même des tubes de couleur. Après, je l’appelais : « Tiens, j’ai fait un petit carton avec un arbre et un humain » et il me disait : «  Mais où as-tu trouvé les couleurs ? », alors je lui répondais : « Euh, j’ai trouvé ça dans votre boîte ».


JPVT – Et votre père, à l’époque, c’était lui qui était en contact avec d’autres artistes. Est-ce qu’il était au courant de ce qu’il se passait ? Vous avez évoqué entre autre le Bauhaus.


WH - Oui, mon père visitait partout les galeries à Rotterdam, les petites galeries où on donnait des expositions. Quand il rentrait à la maison, il me disait: « Wout, tu dois aller une fois voir et c’est très beau, il y a des paysages formidables ». Naturellement, c’était complètement figuratif dans le temps.

Même encore très jeune, j’ai toujours fait connaissance avec des peintres à Rotterdam, des gens très bien même. Et tout doucement, je préparais beaucoup de choses pour moi-même, j’allais à la campagne, j’étais membre du musée de Buningen. Avec une carte, on ne payait pas beaucoup dans le temps, maintenant ça n’existe plus, je crois, un florin environ, et on visitait le musée librement. C’était magnifique, enfin, j’ai toujours fort aimé la chose qui est. Je ne peux peut-être pas dire ça mais j’ose vous le dire. Pourquoi on fait une peinture d’une fleur alors que la fleur existe déjà ? Je trouve même qu’on devrait peindre quelque chose qui n’a pas encore existé et je travaille encore comme ça aujourd’hui. Je veux me donner moi-même dans une toile ou sur un carton ou un papier. Je veux montrer qu’il existe autre chose. Un Allemand, dont je ne me souviens pas du nom, qui fait partie du Bauhaus et de Dada, a écrit un texte très beau à ce propos : « On ne peut pas mordre dans une chose qui les a mordu » Ça, je trouve formidable et ça c’est vraiment une explication splendide.


JPVT- Et vous-même, Wout Hoeboer, dans votre travail, depuis donc fort longtemps et jusqu’à aujourd’hui, il faut signaler que, bon, un jour, vous avez émigré, vous êtes parti, vous avez découvert la Belgique, vous avez aussi découvert Paris et tout en faisant ces voyages, et tout en découvrant la vie, votre travail progressivement s’est fait, s’est réalisé, qu’est-ce que c'est pour vous, en fait, faire une sculpture, faire un tableau, faire une gouache ?


WH- Ah ça, c’est très très très très très simple. J’éprouve vraiment du plaisir à faire ça ! C’est comme de boire avec un ami, ou une amie, de boire un bon verre, de manger quelque part dans un sympathique petit restaurant, c’est aussi un plaisir, et c’est comme ça que je fais mes œuvres. Même des dessins que je fais parfois la nuit, c’est comme un jouet pour moi. J’aime mes œuvres, ça me plaît.

Dans mon jeune temps, enfin, je faisais encore souvent ça.

Par exemple, je prends un paquet de vingt-cinq feuilles de papier qui ne coûte pas trop cher. C’est un paquet de vingt-cinq ou vingt feuilles. Avec un pinceau, je commence à dessiner avec un pinceau à l’encre de chine, et j’en fais un et puis un autre. Après, je trouve peut-être dans les vingt exemplaires, trois différents qui me plaisent et le restant, je ne les regarde plus, je les lave ou je les coupe ou même je les découpe et je les recolle de nouveau après pour donner quelque chose d’autre, un autre Wout Hoeboer, je veux dire…


JPVT- Donc, en fait l’œuvre, votre œuvre est directement en rapport avec vous, avec votre personnalité, avec votre tempérament, votre sensibilité, avec votre façon aussi de voir la réalité, de voir le monde et effectivement, vos œuvres ne sont pas des morsures dans la réalité. Il y a quelque part un retrait, par exemple, vous refusez, je crois, et c’est ce qu’on trouve dans votre œuvre, vous refusez le concret, ce qui est immédiatement accessible. Il y a toujours une distance, il y a une distance aussi dans le titre. Je pense à cette œuvre merveilleuse qui est exposée actuellement à Ypres et où même le titre est quelque part la confusion poétique de ce dont il est question. Cette confusion poétique, c’est « Le dandule ». Et il y a d’autres œuvres comme ça aussi. Est-ce que pour vous, l’œuvre que vous faîtes est toujours quelque part à distance de la réalité, de la réalité des autres, tout en étant très intime avec vous-même ?


WH – Oui, certainement. Le visiteur ou l’observateur doit d’abord voir que c’est une œuvre de Wout Hoeboer, que c’est moi. Peut-être que c’est prétentieux, mais ça ne l’est pas. Cela vient en moi de manière directe et puis, je ne change rien. Même quand c’est fixé ou pas fixé, je mets ça ensemble, et je dis « non, on laisse, on laisse ». Ça, c’est une chose.

En ce qui concerne la distance, je ne suis pas quelqu’un qui court derrière les autres. Non, jamais, jamais, je ne demande jamais quelque chose. Je fais mes œuvres et j’observe ici dans mon atelier ou dans une exposition. Mais je suis, je vis, je vis avec ça. C’est un ami, c’est quelque chose pour moi, cela ne représente pas une valeur d’argent pour moi mais c’est une œuvre. J’ai fait ça dans un période précise.

Quand je travaille, je dois être gai, pas triste. Autrement, je ne sais pas travailler, je ne fais rien pendant un mois. Pourquoi ? Je ne suis pas gai, je suis triste, j’ai beaucoup de soucis et les gens ne m’appellent pas souvent. Je ne suis pas pessimiste mais je préfère l’optimisme, une chose qui est même un peu folle, j’ose dire ça. Et maintenant, je me demande comment est-ce possible qu’un fou dise à un fou : « Vous êtes [fou] »


Partie n°2


JPVT- Je me souviens, Wout Hoeboer, en 1975, vous avez eu une exposition à Venise qui s’appelait « Pamapadada ». Et depuis lors, vous avez eu d’autres expositions en 1980, en 1981, intitulée à la galerie Zarathoustra à Milan « Pamapadada, je vis ». Qu’est-ce que cela signifie ?


WH- Ah, j’ai fait un très grand livre de luxe avant de partir en Italie pour la galerie, qui mesurait 60 cm sur 50, et j’ai fait du board printing. Qu’est-ce que c’est que ça ? Je déchire des morceaux de carton, je les arrache, je les encre avec des encres d’imprimerie. Ensuite, j’ai une presse, je les imprime en un seul exemplaire et moi j’en fais environ 20 exemplaires différents.

Un an après, j’ai fait une couverture formidable en cartonné avec une belle toile avec un fond de page en or. Je me suis dis que j’avais besoin d’un texte. Autrement, qu’est-ce que les gens allaient dire ? C’est alors que je me suis dit : «  Fourde, je fais mon propre texte ». Et j’ai écrit à propos de moi avec des grands caractères : «  Je vis et ça me suffit ». Bon, j’ai exposé cette œuvre une fois à Bruxelles et tout de suite après, je l’ai prise en Italie et je l’ai vendu dans une grande galerie à Cosmo avec un grand succès d’ailleurs. Le texte « je vis et ça me suffit » est donc dans ce livre.

Vous avez parlé du texte « Pampa… quelque chose » à Venise. Ça, ça vient d’un atelier. Un ami, un peintre italien, m’a prêté son atelier. Il est parti à la campagne et j’ai travaillé dans son atelier assez longtemps, environ un mois à Milan et quand je suis parti, j’ai écrit sur son mur, dans son atelier, ce texte pour lui donner un souvenir de moi, de Dada, de mon travail à Milan, voilà c’est ça.


JPVT – En tous les cas, il y a cette constance. Dans Pamapadada, on retrouve le mot Dada. Et même lorsqu’on remonte un peu dans le temps, en 1957, à la galerie La Proue à Bruxelles, vous avez participé à une exposition anti-Dada. Pourquoi ?


WH- Oui, même que c’était organisé par moi. Oui, je me souviens encore bien des invitations imprimées sur de petites serviettes. C’était très beau.

Dada, vous le savez bien, ça sort en 1916-1917 mais aujourd’hui, quand on entend parler de Dada, les gens disent : « c’est vieux, c’est dépassé ». Cela me faisait marrer et je me suis dit : « voilà, je suis d’accord qu’on puisse dire ça », alors on a intitulé l’expo anti-Dada, comme ça on s’en souvient.


JPVT - Et peut-être que anti-Dada, c’était la façon d’exprimer que Dada, même si Dada date des années 1916, 1917, 1918 etc. , c'est qu’aujourd’hui en 1957 mais même en 1981, Dada est toujours très vivant.


WH – Ah, naturellement, heureusement ! C’est pour ça que j’ai écrit aussi ce petit texte dans le catalogue de l’exposition à Ypres. Je rends hommage à Dada et à tous ces gens qui ont encore la force, l’idée, le courage de continuer cette idéologie car Dada, ce n’est pas un « isme », Dada, c'est une idéologie. On veut faire quelque chose, on veut créer un homme nouveau. Laissez tomber tout le restant mais vivre, laissez vivre, ça c’est Dada. Et le mot Dada, on sait bien d’où ça vient. Dada, ça ne veut rien dire, c’est un cri d’un enfant mais pas beaucoup plus.


JPVT- Est-ce aussi pour cela, Wout Hoeber, qu’en 1968, vous avez écrit « je vis, ça me suffit » ?


WH- Ah, oui, ça, c’est vrai. Ici, je suis dans mon atelier. Je vis seul. Et je vis. Je me laisse vivre. Je mange. Je bois et je fais des peintures, je fais des petits reliefs et parfois, je fous tout dans un coin et je me repose, je pense à beaucoup de choses, et je fais de nouveau autre chose. Ce n’est que ma vie, je veux vivre encore, c’est seulement ça et pas plus. Et j’essaie d’être heureux, ce n’est pas toujours possible, mais j’essaie quand même.


JPVT – Vous avez vécu, Wout Hoeboer, beaucoup de mouvements. Vous nous avez parlé de Dada, de Dada sans « isme » mais le Dada dans la vrai vie. Vous avez également vécu d’autres mouvements. Je pense, par exemple, à l’Internationnal Situationniste, avec quelqu’un comme Constant Nieuwenhuysen, je pense tout particulièrement entre autre à CoBrA.


WH – Oui ! Certainement CoBrA ! Quand je suis arrivé à Bruxelles, c’est très bizarre. J’ai fait une promenade en pleine ville et là, j’ai trouvé un bouquiniste, un grand magasin et j’ai vu dans la vitrine qu’ils vendaient des vieux livres, un peu de tout. Quand j’ai vu un livre sur Dada, une toute petite plaquette qui ne coûtait pas chère, je suis entré. Dans le temps, je ne parlais pas bien français. Mais je suis rentré et il y avait un type derrière le comptoir à qui j’ai demandé le livre:

- Je veux acheter ça.

-Ah, bon !

Et lui me regarde et me demande:

-Et vous êtes artiste ?

-Oui, peut-être, plus ou moins.

Et il riait, c’était Christian Dotremont. C’est comme ça que j’ai fais sa connaissance.

Il me dit :

-Voilà, tu reviens encore?

Je dis:

-Oui, Certainement.

- Où habites-tu? Donnez-moi votre adresse.

Bon, je lui donne mon adresse et lui aussi me donne son adresse. J’ai souvent été chez lui chez sa maman d’abord et après, il s’est marié et après, un peu de tout et puis, il est tombé malade. J’ai ensuite fait la connaissance d’Alechinsky, un des plus jeunes sans doute.

Un jour, Christian Dotremont est venu chez moi pour faire quelques gravures, et des dessins pour sa revue CoBrA et j’ai participé à ça. Et là ça a commencé.

Après, j’ai fait d’autres connaissances. J’avais un atelier dans le temps à Schaerbeek et on buvait un verre en face dans un grand café et là Corneille est venu, Karel Appel aussi pour expliquer à Christian Dotremont la situation à Amsterdam pour monter un deuxième CoBrA. Et puis Christian Dotremont est parti en Scandinavie. Il était fort actif avec sa revue CoBrA. Il a organisé dans une librairie communiste à Bruxelles une exposition qui était très belle. J’ai fait la connaissance de beaucoup d’amis, enfin de beaucoup de gens qui sont fort intéressants avec qui je suis encore aujourd'hui ami.


JPVT- Vous parlez, Wout Hoeboer, de votre attachement au mouvement CoBrA. Et en même temps, vous êtes quelqu’un qui est resté, je crois, toujours très seul. Votre œuvre, votre art, que ce soit les sculptures, les objets, que ce soit les peintures, que ce soit les gouaches, que ce soit les découpages, les collages, n’entrent dans aucun mouvement artistique. Il s’agit peut-être de déclarer un mouvement artistique qui s’appellerait Wout Hoeboer. Est-ce que pour vous, l’individualisme, et peut-être aussi la solitude dans la création est une chose importante ?


WH – Le groupement. Vous parlez du groupement de peintres ou des artistes, c’est peut-être très beau mais écoutez bien. Je connais plusieurs groupements ici avec qui j’ai fait connaissance en Belgique mais je ne crois pas en ça. Le groupement, c’est très beau. Les gens discutent. Dans le temps, on a fait ça. Chaque mercredi soir, on entrait dans un bistro un peu spécial et on restait jusque 2 h, 3h du matin et on discutait sur les Beaux-Arts. Mais écoutez bien. Je dois vous dire honnêtement, je n’ai rien appris et c’est pour ça que je ne suis pas fort attiré par le groupement. Je veux dire autre chose. Peut-être, un groupement pour organiser une exposition bien large avec des idées dedans, des œuvres enfin, plutôt de travail international, ça je trouve très beau. Mais de discuter, pourquoi? Chaque être humain, c'est un être humain à côté d’un autre être humain. Vous ne trouverez jamais deux personnes pareilles, jamais jamais jamais jamais. Un ne regarde pas à gauche, l’autre à droite ou quelqu’un dans le ciel ou dans la mer. C’est fort différent. Chacun son propre chemin et je crois que chacun doit suivre et faire son propre chemin et pas autre chose. Autrement, ça ne va pas. Sinon on tombe de haut alors que si on suit son propre chemin, on ne sait pas tomber. C'est mieux, je trouve, de rester seul. On a des amis, ça, c'est autre chose, de bavarder, c’est autre chose, mais un groupement, c’est assez délicat. Je ne suis pas partisan de ça. Je regrette beaucoup de vous dire ça mais non, je ne suis pas partisan de ça, je ne crois pas en ça. Un artiste, un être humain est seul, est toujours seul à l’intérieur. Même dans une famille, le mari avec sa femme et les enfants, ce sont trois personnes qui sont toujours seules, c’est unique. Voilà ce que je voulais vous dire. C’est pour ça que je suis tout à fait contre le groupement. Je dis non, non.


JPVT – Est-ce aussi peut-être le sens de cette œuvre qui s'appelle « Les machines hurlantes » que vous avez présentée au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, dans une exposition qui s'appelait « CoBrA et après »?


WH- Oui, oui, oui. Dans le temps, j’en ai fait plusieurs, même que j’en ai placé quelques unes en Italie aussi, dans une collection privée.

Oui, j’ai encore quelque chose de la révolution, c'est une machine mais ça représente un peu un homme qui fait de la boxe et j'appelle ça la révolution.

En ce qui concerne « Les machines hurlantes », ça c’est un peu nous, c’est notre époque. C’est pour ça que j’ai fait ça. C’est une machine que j’ai construite en carton et même j’en ai fait des peintures, des dessins, même des gravures, des aqua forte. Oui, c’est vrai, j’ai exposé ça dans le temps aux Beaux-Arts et aussi un homme dans une galerie avec CoBrA, ça, j'ai fait. Oui, oui.


JPVT – La machine hurlante, c'est l'artiste?


WH – Certainement. Autrement, je ne l’aurais pas fait. Je ne fais que des choses qui viennent de moi et pas des autres. Vous savez, vous avez assez de documentation dans les musées, des livres, on reproduit des artistes du monde entier mais vous ne trouverez jamais une œuvre comme celle-là, comme je l’ai faite, ça c'est un vrai Wout Hoeboer. C’est moi. Et j’en ai encore plusieurs et j’ai encore un petit croquis de ça. Pour expliquer, c'est très difficile mais c'est moi, c'est moi. C'est moi. Je sais pleurer, je sais hurler, comme une machine, pas comme une machine en tant que telle mais je suis le machine elle-même. Tu comprends, c'est ça, c'est ça.


JPVT – Est-ce aussi cette envie, cette grande envie de dialogue avec les autres? La machine hurlante, elle hurle, elle hurle, elle pleure, elle pleure pour le dialogue avec les autres?


WH – Voilà, c'est ça, c'est ça, je ne sais pas vous raconter quelque chose de plus, c'est ça, c'est seulement ça. Mais de faire ça, un œuvre naturellement, l'œuvre n’est pas gai quand on observe ça, c'est pas tellement gai mais je crois que c'est la vérité à l’intérieur. Regarde, dans le temps, ici, à Bruxelles, à la gare du Nord avec la locomotive encore. Tu sais bien, avec la fumée. Ça, parfois, c'est quelque chose, on voit un terrible type qui fout le camp sur le rail, parti pour expliquer quelque chose ou peut-être pour ne rien expliquer. Voilà. Le vieux explique la vie ou la mort, le vieux explique la beauté ou de mauvaises choses. On ne sait jamais. On ne sait jamais.


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